La CQMMF organise une série de cinq (5) webinaires afin de faire le tour du monde des résistances féministes. Chaque webinaire sera consacré à un thème spécifique et à une région du monde nous permettant de partager nos expériences et surtout de mieux comprendre comment s’organisent les résistances féminises.
Tour du monde de résistances féministes
5 régions
- Europe - Services publics
- Afrique - Souveraineté alimentaire
- Asie-Océanie - Justice climatique et environnementale
- Amérique - Énergie et extractivisme
- Moyen-Orient et Afrique du Nord - Criminalisation des mouvements sociaux
La défense des services publics
Europe
Le premier webinaire a eu lieu le 21 novembre 2023 avec des représentantes de l’Europe, la France et le Pays Basque (Euskadi) avec le thème général: les services publics dans nos sociétés.
Christine Mead de Marseille en France, est militante à ATTAC France, une association altermondialiste. Elle est très impliquée dans les causes anti-racistes, féministes et sociales. Elle est engagée à la Marche mondiale des femmes depuis 2010.
Izaskun Guarrotxena Martinez du Pays basque (Euskadi) est une militante féministe. Elle est une spécialiste de l’égalité dans l’administration et est très engagée comme syndicaliste pour LAB (Commissions ouvrières patriotes).
Les services publics en France
Christine Mead a fait un bref retour historique sur la construction des services publics après la deuxième guerre mondiale (les services de santé, l’accès à l’eau, l’éducation, la reconstruction des lieux publics, etc.).
Mais force est de constater que les services publics sont durement attaqués. Il y a une privatisation importante et une diminution des services publics offerts à la population, avec une forte réduction des effectifs. Le gouvernement organise les services en utilisant des règles comptables plutôt que de chercher à offrir des services accessibles et de qualité.
Cette importante dégradation des services publics touche majoritairement les femmes. Elles représentent 76% des utilisatrices et proches aidantes (tout en ayant à s’occuper des membres de la famille, des personnes âgées, etc.).
Cette situation s’ajoute à la croissance des inégalités économiques, à l’inflation des produits alimentaires et à la hausse importante du coût du logement.
Les services publics au Pays Basque (Euskadi)
La situation est très semblable au Pays Basque car les services publics sont affaiblis de façon importante.
En effet, les conditions de travail sont de plus en plus difficiles avec une privatisation accélérée des services de santé et des services sociaux (la main-d’œuvre regroupe de nombreuses immigrantes avec des bas salaires et une importante précarité).
Quant au secteur de l’éducation publique, il est à noter une baisse des investissements ce qui provoque une décroissance du secteur public vers le secteur privé.
l'économie féministe
La deuxième partie du webinaire a porté sur l’économie féministe.
La Marche mondiale des femmes propose une alternative politique en mettant de l’avant l’économie féministe afin de mettre la vie et la nature au cœur de nos luttes. C’est une réponse concrète, une façon de résister et de s’organiser pour répondre aux besoins et intérêts des femmes dans la société, et ce, particulièrement concernant les services publics.
Pour organiser cette résistance, il nous faut renforcer nos solidarités, bien cibler nos revendications afin de renforcer les services publics, et ce, tout en améliorant les conditions de travail des travailleuses et travailleurs.
Grève des femmes
D’ailleurs, dans le cadre de cette orientation, avec la Marche mondiale des femmes, au Pays Basque, s’organise le 30 novembre prochain, une journée de grève féministe pour améliorer et consolider les services publics. Le mot d’ordre général : il faut sortir dans les rues, se mobiliser!
En France, la mobilisation est différente. Les féministes vont accentuer la mobilisation pour le prochain 8 mars, Journée internationale des droits des femmes, tout en poursuivant le travail pour créer des convergences avec d’autres secteurs importants de la société.
Il est à souligner aussi que la bataille sur les retraites a eu un impact négatif particulièrement pour les femmes de même que la période Covid-19 qui a nui à la mobilisation.
Mais des liens sont construits particulièrement avec des organisations syndicales (CGT-FSU, Solidaires) pour convenir de revendications communes et pour renforcer la mobilisation des membres et de la population. Et, des solidarités se développent pour accueillir les personnes immigrantes et des luttes permettent d’améliorer les conditions de travail de nombreuses femmes (dont la victoire des travailleuses du secteur de l’hôtellerie qui a mené une longue grève).
Somme toute, nous avons pu constater que les services publics sont essentiels et que ce qui est vécu en France et au Pays Basque se vit aussi au Québec. D’ailleurs, des mobilisations et des grèves sont en cours actuellement dans le secteur de la santé, des services sociaux et de l’éducation. Ces luttes sont importantes. Elles vont permettre de bonifier les services à la population, de contrer la privatisation des services publics de même que d’améliorer les conditions de travail des travailleuses et des travailleurs.
L'enregistrement du webinaire
Solange Sanogo Kone de la Côte d’Ivoire est une militante de la société civile et de la Marche mondiale des femmes. Elle est très impliquée dans les luttes citoyennes sur l’accès à l’eau, à la terre et aux semences. Elle est aussi très active dans la lutte pour l’annulation des dettes illégitimes (CADTM) en Belgique.
Sophie D. Ogutu, du Kenya, est une artiste féministe qui fait de l’éducation populaire et de l’art pour la transformation sociale. Elle est une militante de la Marche mondiale des femmes depuis de nombreuses années. L’accès à la nourriture et à l’eau est une clé importante pour assurer la souveraineté alimentaire aux femmes et aux familles.
Qu'Est-ce que la souveraineté alimentaire?
Pour introduire la thématique, l’animatrice a présenté brièvement les importants défis à relever concernant l’agriculture au Québec : les terres agricoles représentent 2% des sols au Québec d’où l’importance de les préserver; il y a actuellement un danger d’accaparement des terres agricoles avec le développement de parcs éoliens dans plusieurs régions du Québec; l’exploitation industrielle des terres diminuent l’accès aux terres à la relève agricole; l’urbanisation des régions au dépend des terres agricoles; etc.
Somme toute, au Québec, il n’y a pas de plan d’ensemble pour convenir des prochains développements, et ce, dans une perspective de transition écologique durable.
Lors des actions en 2020, la CQMMF a d’ailleurs revendiqué l’importance de développer tous les prochains développements au Québec avec un plan de transition écologique conséquent, avec des mesures pour donner l’accès à l’eau, à l’alimentation et pour une agriculture de proximité basée sur l’agroécologie et l’économie circulaire.
Après avoir présenté brièvement la Coordination du Québec de la Marche mondiale des femmes (CQMMF) et les deux conférencières invitées, nous avons diffusé une brève vidéo pour expliquer ce qu’on entend par la souveraineté alimentaire (vidéo produite par l’Association québécoise des organisations de coopération internationale -AQOCI).
luttes et résistances
Solange et Sophie ont présenté les grands défis et problématiques sur lesquels elles travaillent pour « faire changer les choses ».
Solange provient de l’Afrique de l’ouest, d’un pays agricole qui produisait traditionnellement la production de céréales et de riz. Mais le gouvernement a décidé d’imposer la culture du café et du cacao. Cette situation a provoqué des tensions sur la production traditionnelle avec l’arrivée de produits importés de l’Asie et de l’Ukraine et avec l’accaparement des terres agricoles par les plus riches (qui ont des pratiques causant l’épuisement des sols!).
La lutte pour que les femmes aient accès à la propriété des terres est très importante. En effet, les femmes n’ont pas le droit d’hériter des terres même si elles y travaillent depuis fort longtemps. Bref, ce sont les hommes qui touchent les bénéfices du travail des femmes. Un groupe a été créé pour revendiquer le droit et l’accès aux revenus et à la justice pour les femmes ivoiriennes.
Et, Sophie a expliqué le rôle des femmes du Kenya. Le sujet « femme » est invisible malheureusement, c’est une question très politisée, et ce, en lien avec la crise climatique et économique qui touche spécifiquement la production agricole. D’ailleurs, le manque de pluie provoque d’importants problèmes auxquels les femmes doivent faire face.
Cette situation empêche le travail des femmes tout en créant de la famine.
Les alternatives à développer
Mais les femmes s’organisent, elles sont en alliance le groupe Via Campesina, groupe qui défend le « droit de produire leur propre nourriture sur leur propre territoire » en préservant l’environnement et les valeurs culturelles des peuples. Elles luttent pour développer l’agroécologie, pour protéger les petits producteurs agricoles, pour préserver les semences ancestrales de même que pour le développement d’alternatives, que soit par le déploiement de la formation politique, la mise en place de coopératives, etc.
Nous précisons que la « souveraineté alimentaire » n’a pas la même signification que la « sécurité alimentaire » tel que définie par l’ONU car les femmes ne veulent pas de solutions fragmentaires. Tout en faisant face aux entreprises transnationales qui exercent une forte concurrence à la production locale, elles développent des alternatives, dans le respect de la « terre » et des façons de faire traditionnelles.
Bref, elles mettent de l’avant une approche féministe en s’inspirant des avancées développées dans les Amériques et en Afrique. Elles créent des alliances pour développer le « projet politique » de l’accès à la terre. C’est pourquoi la formation politique est centrale pour partager les savoirs tout en s’appuyant sur les expériences des femmes qui sont responsables du soutien et de la protection des familles.
Elles s’organisent pour produire des aliment sains (lutte contre les pesticides) et pour faire reconnaître les femmes agricultrices.
Pour conclure ce webinaire, nous avons présenté une synthèse de ces échanges fort pertinents où ressortent les défis suivants:
- l’importance de la production de la nourriture saine et de l’accès à la propriété des terres par les femmes et les petits producteurs;
- l’importance de développer l’agroécologie (dont la défense des cultures et semences ancestrales);
- l’importance de développer des alliances pour renforcer le rapport de force face aux décideurs politiques;
- l’importance de prendre en compte l’expérience et la prise de parole des femmes qui résistent et développent des initiatives nouvelles;
- l’importance d’offrir de la formation politique pour mieux outiller les femmes dans la défense de leurs droits et pour faciliter la mise en place d’initiatives et d’alternatives économiques.